Impériale Visite
Auteur : Nouvelle- 124
10 Octobre 1859
Arcachon - Impériale Visite
(en direct via la Tribune de Bordeaux)
Lundi matin : l’Empereur, sa femme et le petit Prince s’en viennent chez nous à bord du train impérial.
Hélas, la date est mal choisie, ce jour, Zeus est colère, le bassin tangue : à l’arrivée en gare d’Arcachon sévit une impétueuse et imparable tempête.
La famille impériale descend du wagon princier, impavide.
La Marche de l’Empereur, impénétrable, impressionne.
Las, la pluie redouble, impitoyable, c’est de pire en pire.
Le couple impérial est accueilli par les vivats d’une impatiente population en vêtements imperméables contenue par des échassiers imperturbables qui dominent de leur haute taille.
Impassible, une section de gardes impériaux maintient à distance les importuns.
Une jeune fille impressionnée, rougissante, offre à l’impératrice Eugénie un bouquet en soie de violettes impériales.
L’édifice de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi a reçu pour l’occasion une décoration impeccable, un magnifique dais vert empire conduit à un très beau salon orné de couronnes tout aussi impériales.
Le pire serait-il enfin derrière nous ?
L’empereur du Japon a envoyé un message d’amitié, l’empire du milieu et l’empire ottoman se sont abstenus.
D’impolis impertinents, pêcheurs impénitents, sans doute impécunieux habitués à croupir dans la gare, se mettent soudain à siffler.
Impréparation ? Imprévoyance ? Impondérable ? C’est impardonnable.
Ces impudents de la pire espèce importunent ! Quelle impudeur impensable !
Oh ! C’est pire que tout !
Ah ! C’est impubliable !
Ouf, la garde impériale les fait déguerpir.
Le comité d’accueil arcachonnais composé du maire Alphonse Lamarque de Plaisance, entouré d’impétrants accompagnés de son homologue et successeur édile de La Teste, soupire imperceptiblement.
Le maire, qu’on ne peut accuser d’impéritie bien que l’opposition conspire en tout temps contre lui, respire profondément avant d’entamer un impérissable discours.
Cet homme a de l’empire sur lui :
« Madame l’Impératrice, Sire Imperator, vous êtes venu ici à Arcachon pour le Meilleur et pour l’Empire !
(applaudissements nourris).
Malgré l’impermanence du beau temps, nous savons tous que le soleil ne se couche jamais sur votre empire colonial.
(à ce moment, la pluie redouble hélas, c’est cent fois pire !)
Oui, l’Empire est quelque chose, et l’Empereur n’est pas rien, quoi qu’en ait dit Charles Quint.
(vifs applaudissements)
Oublions Waterloo et la funeste année 1815, l’an pire !
Et si les choses peuvent empirer, ne nous en faisons pas, elles le feront
Car si quelque chose ne peut plus empirer, ça empirera quand même !
(Bourrasque de vent, c’est le pire tout pire !)
Ici, à Arcachon, les mots ont plus d’empire que les idées !
(silence gêné de la foule)
La liberté, c’est l’Empire que nous avons sur nous même !
Quand on règne par l’opinion a-t-on besoin d’un autre empire ?
Et le pire dans le pire, c’est l’attente du pire !
Dans la vie, rien ne va jamais tout à fait mal, tout peut toujours empirer !
Grâce à Louis-Napoléon, le Dernier Empereur, enfin l’Empire contre-attaque !
Vive l’Impératrice !
Vive l’Empereur !
Et Vive Arcachon ! »
(applaudissements nourris, la foule est en liesse)
Sous l’empire de l’émotion, le maire transpire, s’éponge le front.
Il pleut toujours, l’impétueuse tempête bat son plein.
Fraichement décoré de la Légion d’Honneur par l’Empereur, l’abbé MOULS, empourpré de satisfaction, se lance dans une diatribe contre l’empire des sens, lançant des imprécations contre les impies impassibles.
Il pleut toujours des cordes, le temps est compté, vite on conduit l’empereur dans l’atelier du sculpteur ou le pied droit impérial est moulé et son empreinte coulée dans le bronze, une très ancienne tradition locale.
Dans quelques centaines d’années, qui sait, peut-être iront-ils rejoindre une promenade de front de mer ?
Qui vivra verra.
C’est alors qu’à la surprise générale, Alphonse Lamarque de Plaisance, se lance à nouveau dans une impromptue et improbable harangue, laissant le public déconcerté et imperturbable :
« Chers compatriotes,
Ce chef-d’œuvre en pied impérial, dû à un cerveau de chez nous marchant main dans la main avec le cœur de notre belle et jeune agglomération, contient à tout jamais dans le vide de ses flancs la plénitude du génie arcachonnais ...»
Les Six cents embarcations pavoisées sur le bassin qui devaient accompagner l’Empereur sur le bassin ne sortiront pas, c’est impossible, le pire ne pourra être évité.
La visite impériale sera écourtée.
Elle n’aura pas duré plus d’une heure et quart.
Mais l’Empereur reviendra, il l’a promis.
Pour le meilleur et pour l’Empire.
(de notre correspondant de la Tribune de Bordeaux, Alain POSTEUR)
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